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Table ronde : Les défis d’une Wallonie gagnante

La Wallonie bénéficie de multiples atouts économiques: secteurs à la pointe, recherche de renommée mondiale, aides multiples aux entreprises…

La Wallonie bénéficie de multiples atouts économiques: secteurs à la pointe, recherche de renommée mondiale, aides multiples aux entreprises…
Le 26 février, Mediaplanet a réuni pas moins de quatorze acteurs concernés au premier plan par le déploiement de notre tissu entrepreneurial.

Texte: Philippe Van Lil

Quel regard portez-vous sur l’état actuel de notre économie et sur notre potentiel entrepreneurial?

Willy Borsus : « Dans bien des secteurs, la Wallonie est aujourd’hui à la pointe : la santé, les sciences du vivant, l’agroalimentaire, etc. Autres forces : le tissu extrêmement important de nos PME – plus de 99% de nos entreprises – et une tendance à plus de désir d’entreprendre. En revanche, nous avons encore certaines faiblesses : la part de l’activité publique et parapublique reste proportionnellement plus importante que dans les régions de certains pays qui nous entourent ; notre taux de chômage, singulièrement celui des jeunes, reste extrêmement inquiétant malgré des tendances positives, la croissance de nos PME reste en deçà de ce qu’elle pourrait être; bien qu’en développement, l’internationalisation de nos activités doit encore grandir.»

Pascale Delcomminette : «Au niveau international, notamment grâce à la stratégie de spécialisation intelligente traduite par les
pôles de compétitivité, un soutien structurel particulier a été déployé à l’égard des secteurs à haute valeur technologique. Résultat : depuis 2006, la croissance à l’exportation de ces secteurs s’est accrue:+5,8% contre 4,2 % seulement en moyenne au niveau de la zone Euro. Beau constat!»

Sylvie Ponchaut : « À lui seul, le secteur Biotech et Pharma représente quelques 50000 emplois en Wallonie et 27% des exportations. Et il a encore tout pour croître sur un territoire relativement petit: de grands comme de petits acteurs, une recherche d’excellence et des formations de pointe dans les universités, des sociétés de support – mandataires en brevet, logistique spécialisée dans le vivant, etc. Si cet écosystème constitué est une force, rien n’est cependant jamais acquis. Vu la rudesse de la compétition internationale, la recherche dans ce secteur doit continuer à être soutenue financièrement par les pouvoirs publics.»

P. Delcomminette : « Nos entreprises réalisent en moyenne 70% de leur chi¡re d’affaires à l’exportation. En 2018, nos exportations ont crû de plus de 8%! Côté défis, on constate une triple concentration – géographique, de taille et sectorielle: les gros chi¡res à l’exportation sont réalisés essentiellement par les grandes entreprises; 78% des exportations sont orientées vers l’Union européenne; trois des cinq premiers produits exportés sont issus du secteur de la
santé, comme souligné par Sylvie Ponchaut. »

Aubry Lefèbvre : «L’une des forces de la Wallonie reste son territoire, que ce soit par les forêts, les champs, l’agriculture, l’activité industrielle ou le logement. Des évolutions positives sont en marche, comme le nouveau code de l’aménagement du territoire. Le S.D.T. visant à réduire l’artificialisation des terres – limitation de l’urbanisation – est actuellement en réflexion. Celle-ci nécessite toutefois une période de transition en raison des nombreuses démarches préalables à sa mise en place. Globalement, l’un des défis essentiels de la Wallonie est son arsenal législatif: il manque de constance. Or, un investisseur en a besoin et non de contraintes toujours plus nombreuses, que ce soit en matière de fiscalité immobilière, d’urbanisme, de performance énergétique des bâtiments, etc. Selon moi, on se focalise par exemple beaucoup trop sur la surperformance du bâti neuf, au détriment des 97% du parc wallon… qui sont une véritable passoire énergétique!»

Clemens Scholzen : «Si on prend en compte son historique, la Wallonie est vraiment sur le bon chemin. Nous manquons cependant de patience, de confiance et de positivisme. Malgré des éléments positifs comme le TaxShift ou un pouvoir d’achat constant depuis des années, la confiance des ménages wallons est plus faible que celle des ménages flamands. De plus, selon une étude sur l’attractivité de la Belgique au niveau des investisseurs, la Flandre score à 51% et la Wallonie… à 10% seulement!»

Jacques Dehalu : « La mobilité est également un point important pour nos entreprises. Depuis 2010, plus d’un milliard d’euros a été investi dans nos routes et autoroutes. Actuellement, nous sommes au rythme de 250millions d’investissements par an pour leur réhabilitation et leur entretien. Toutefois, cela ne résoudra pas tous les problèmes de mobilité. Même mises à trois bandes de circulation, nos autoroutes ne se développeront pas à l’infini. C’est pourquoi d’autres initiatives voient le jour, comme la mise en place d’un accompagnement du trafic au travers de technologies pointues. L’objectif est notamment d’atteindre une meilleure fluidité du trafic, une plus grande sécurité – grâce par exemple à la détection automatique des incidents -, une information accrue des usagers, le tout en phase avec les préoccupations environnementales.»

Jean-Sébastien Walhin : « Les demandes de diversification ou d’innovation sont omniprésentes dans l’alimentaire. L’agence
constitue un véritable levier au développement de ces entreprises. Elle accompagne, sur le plan réglementaire, les petites structures qui innovent, se développent ou exportent. Dans l’alimentaire, la très grande majorité des législations est européenne. L’agence est là entre autres pour aider les petites entreprises à respecter l’ensemble de ces règles, qui peuvent paraître un peu compliquées pour un artisan.»

Philippe Mattart : « La promotion de nos produits agricoles et horticoles est également un enjeu fondamental pour notre
économie. La moitié du territoire wallon correspond à l’appareil de production de l’agriculture, ce qui est considérable. La
moitié de cette superficie agricole utile est représentée par des produits de l’élevage. En termes d’élevage bovin, la Wallonie a un niveau d’autosuffisance de l’ordre de 150% et doit donc trouver des débouchés pour ce qui excède ses propres besoins.»

David Valentiny : « On constate une appétence à l’entreprenariat réellement marquée et de nombreux écosystèmes de création partout en Wallonie. C’est extrêmement motivant et enthousiasmant. Toutefois, peu d’entreprises entrent dans une phase de croissance importante, passent de la startup à la scale-up. Ces entreprises sont ici confrontées à de nouvelles questions liées au leadership, au recrutement, au financement -en ce compris attirer des investisseurs étrangers -, aux
aspects légaux, au référencement Web, aux ventes, etc. Cela appelle des compétences très différentes de celles du créateur. Il est nécessaire d’aider les startups lors de ce passage à l’échelle. Par ailleurs, nous avons des acteurs industriels très forts dont il s’agit de favoriser la collaboration et les synergies avec les startups en termes de réseau, de capital, de programmes, d’innovation pour qu’elles deviennent des scale-up.»

Thierry Nollet : « Nous lançons un plaidoyer pour que les politiques situent un peu mieux le rôle sociétal qu’est amené à jouer
au quotidien un acteur comme GROUP S auprès de milliers d’indépendants, de starters et d’entreprises. Nous apportons de la
sécurisation en soutenant, en encadrant et coachant les porteurs de projets ; nous offrons un multiservice et des outils de guidance et d’accompagnement; nous garantissons une sécurité juridique et sommes moteur de changement dans des transitions importantes comme le passage au numérique, la régionalisation…»

La recherche et l’innovation sont également des points forts de la Wallonie…Nicolas Pecher : « Je considère le biotope wallon de l’innovation comme un cercle vertueux. On y observe tout d’abord un
grand nombre d’entrepreneurs, porteurs de projets, qui veulent innover et créer de la valeur. On y trouve les pouvoirs publics,
dont la Région Wallonne (DGO6), qui apportent un support économique très substantiel à ces startups. On pense notamment
aux chèques propriété intellectuelle et aux subventions brevets, des éléments déterminants dans la stratégie de croissance
des startups. On y voit en outre un ensemble d’investisseurs qui comprend des organismes de financement publics
ou privés, des Business Angels et des Venture Capitalists prêts à soutenir ces entrepreneurs. L’ensemble de ce système fonctionne de manière très efficace.»

Jean-Claude Noben : « En matière de recherche, la Wallonie jouit d’une renommée mondiale. Nous disposons d’une vingtaine
de centres de recherche agréés ainsi que de centres de recherche au sein des universités et des hautes écoles. Notamment
en matière de recherche appliquée, tous ces centres, qui ont chacun leur spécificité et leur domaine d’application, soutiennent
l’activité des entreprises wallonnes, de la grande industrie à la petite société.»

P. Delcomminette : «De plus en plus d’acteurs importants du commerce mondial intègrent la dimension de l’innovation
dans leur politique d’internationalisation des entreprises. À l’instar de la Wallonie qui poursuit dans cette même voie via une politique d’internationalisation de tout notre écosystème innovant. Notre rôle de veille et de connecteurs de partenaires technologiques est donc essentiel.»

J.-C. Noben : « Les patrons d’entreprises ont souvent le nez dans le guidon. Ils n’ont pas vraiment le temps ni les ressources
nécessaires pour pouvoir se consacrer à l’innovation. Celle-ci est nécessaire pour faire évoluer les technologies, les métiers et
les entreprises. Petit bémol: 20 centres de recherches agréés, plus ceux des universités et des hautes écoles, cela fait beaucoup pour la Wallonie. Il serait sans doute nécessaire de réorganiser tout cela pour être encore plus efficace.»

D. Valentiny : « Les grandes entreprises sont plus lentes que les plus petites à innover. Elles ont dès lors intérêt à s’inspirer des nouvelles méthodologies des startups, très proches de leur marché. Cette proximité permet de se rendre compte rapidement de la pertinence d’une idée, du potentiel qu’à une idée à naître un nouveau modèle d’affaire. De même, les PME ont beaucoup à gagner à utiliser les outils des startups pour innover.»

P. Mattart : « Dans l’agriculture wallonne, l’innovation se traduit par la diversification et de nouveaux modes de production. J’entends par là l’accession d’une partie de la production à des cahiers des charges (AOP, IGP) et à des référentiels de qualité différenciée nous permettant de déployer des avantages concurrentiels par rapport à d’autres régions. Ce potentiel d’innovation est en outre compatible avec les impératifs du développement durable, pour autant évidemment que les réflexes de consommation privilégient le local et la production liée au sol.»

J.-S. Walhin : « L’AFSCA accompagne les entreprises qui innovent, par exemple avec la viande maturée. Si la diversification est importante pour les petites entreprises, elle l’est donc aussi pour nous. Nous les accompagnons dans leurs nouvelles idées, envies ou besoins.»

Les aides sont-elles toujours efficaces?

C. Scholzen : « Si j’étais aujourd’hui un investisseur étranger arrivant en Wallonie, je ne saurais pas très bien à qui
m’adresser tant les aides disponibles sont éparpillées. Il serait intéressant de les concentrer un peu plus. J’en veux pour
preuve que, dans ma banque, j’emploie des gens pour aider les entreprises à trouver des subsides. C’est assez malheureux
puisque cela veut dire que les gens ne les trouvent pas eux-mêmes alors qu’ils sont faits pour eux.»

W. Borsus : « Que ce soit en matière de moyens budgétaires ou de structures, il faut cibler les aides, par exemple en
matière de digitalisation, d’innovation et de recherche. Ces aides doivent constituer un véritable levier décisionnel
dans un domaine considéré comme important pour la vie de l’entrepreneur. Il faut d’autant plus cibler les aides qu’à
partir de 2024, nous devrons faire face à la décroissance de la solidarité fédérale et à la diminution progressive des soutiens
européens, notamment, à travers les fonds structurels et la politique de cohésion. Ensuite, il faut aussi continuer à simplifier, rationaliser et accélérer les aides et les structures d’aides. Certaines structures, indirectement financées par la Région, sont concurrentes entre elles!»

J.-C. Noben : « Au niveau des subsides, c’est vrai que c’est un peu la jungle. Le secteur technologique fait quelque part exception : tout y est très bien structuré. En matière d’accompagnement, je prendrai l’exemple d’une société pharmaceutique
rencontrée il y a une dizaine d’années. Il s’agissait d’une petite entreprise, avec un marché de niche et une vingtaine de
collaborateurs. Le patron voulait oser quelque chose de nouveau dans son métier : intégrer des pièces en matière plastique
dans des machines en inox. Nous l’avons accompagné dans ce processus. Résultat: il a réussi à imposer le plastique partout
dans son secteur d’activité, ce qui a permis d’augmenter les possibilités offertes par les machines et de les vendre plus cher.
Aujourd’hui, cette société emploie 60 personnes, poursuit sa croissance et génère du bénéfice.»

Fabian Collard : « Les entreprises wallonnes disposent d’un important réseau d’acteurs en mesure de les soutenir, quels que soient leurs besoins: formation, accompagnement, innovation,infrastructures, etc. Les entrepreneurs du secteur high-tech, par exemple, y recourent fréquemment. En revanche, du fait qu’ils sont souvent logés au sein de petites structures familiales, les secteurs plus traditionnels, comme l’agroalimentaire, le bois et la construction, ne connaissent pas nécessairement toujours ces acteurs et, donc, n’y font pas appel. Or, on trouve aussi des niches d’innovation importantes au sein des petites entreprises de ces secteurs. Elles ont donc tout intérêt à se faire accompagner et à bénéficier de conseils opportuns, notamment en ce qui concerne l’environnement, l’urbanisme, les bâtiments et le numérique.»

S. Ponchaut : «À l’échelle régionale, les systèmes d’aides publiques doivent être plus efficaces et plus agiles. Par exemple, le délai entre le moment où un entrepreneur dépose son dossier et celui où il reçoit l’argent est trop long. Il s’agit enfin aussi de convaincre les universités et centres de formation de mieux tenir compte de la nature des différents besoins en formation du secteur.»

P. Delcomminette : «Nos aides doivent viser la diversification des exportations et la professionnalisation de nos entreprises. Cela passe par un programme d’actions bien ciblé et par un accompagnement via nos centres régionaux et conseillers économiques et commerciaux avec plus de 120 marchés couverts, dont deux tiers hors Europe.»

N. Pecher : « Au début, il y a un entrepreneur qui crée une startup dans un domaine technologique. Pour cette startup, l’obtention d’un brevet est un élément essentiel pour convaincre des investisseurs de la solidité de son projet. Cependant, le capital limité de départ de la plupart des startups ne permet pas de couvrir les frais liés à l’obtention d’un brevet, qui peuvent comprendre un avis de brevetabilité, un avis de liberté d’exploitation, et la rédaction et le dépôt d’une demande de brevet. Le chèque propriété intellectuelle peut couvrir 75% des frais liés à l’avis de brevetabilité et de liberté, et la subvention brevet peut couvrir jusqu’à 50% des montants liés à l’obtention d’un brevet. Ces aides de la Région wallonne rendent l’obtention de brevets accessible aux startups. Dans les six à neuf mois du dépôt, une opinion officielle est émise, fournissant une information de poids pour convaincre les financiers d’apporter les fonds nécessaires à la croissance de l’entreprise. Voilà le cercle vertueux bouclé! »

Benoit Hucq : « En matière de subsides, le numérique bénéficie des chèques entreprises. Ceux-ci permettent le soutien et
l’accompagnement à la transformation numérique, sur la base d’un dossier qui est accepté dans les huit jours ouvrables. De
plus, un guichet unique 1890.be centralise les sources d’information pour tous les entrepreneurs. »

P. Delcomminette : « Nous devons réfléchir entre acteurs de développement économique à un décloisonnement beaucoup plus fort pour que chaque institution devienne un guichet unique qui aiguille vers le bon interlocuteur. Le guichet 1890, la simplification de nos aides et le principe de confiance sont des réponses à ces défis.»

P. Mattart : « En décembre dernier, nous avons créé un dispositif très attendu par les producteurs : un business club qui a
rassemblé, lors de son lancement, quelque 150 participants. Il comprend des administrations partenaires comme l’AWEX et des producteurs désireux d’être soutenus pour explorer de nouveaux marchés, en Flandre et à l’étranger.»

C. Scholzen : «Nous avons développé un outil permettant aux entrepreneurs, en particulier les agriculteurs et les PME, de vérifier la pérennité de leur projet au niveau de la durabilité environnementale, sociale et économique. Ce scan détermine les points forts et les points faibles. Il leur permet par exemple ensuite de se positionner s’ils désirent investir dans leur entreprise ou la transmettre. »

D. Valentiny : « Il existe aussi, comme c’est le cas chez Engine, des programmes d’accompagnement permettant aux candidats au scale-up de se mettre en ordre de bataille avant d’aller trouver des investisseurs pour des levées de fonds. »

J.-S. Walhin : « Deux tiers de nos formations sont faites à la suite d’une demande. En ciblant les besoins, on aide les entreprises à se diversifier. Par exemple, savoir produire un étiquetage conforme est essentiel pour une entreprise. Cela demande des connaissances des législations, et nous les vulgarisons efficacement.»

Que fait-on précisément pour accorder la formation aux besoins de nos entreprises ?

W. Borsus : «C’est un enjeu important de pouvoir articuler plus directement la formation avec les besoins de l’activité économique, notamment vers des métiers d’avenir ou en pénurie. »

T. Nollet : « Nous assurons une vocation pédagogique envers nos clients en délivrant des programmes de formation garantissant aux employeurs une pleine autonomie d’action sur des questions managériales, sociojuridiques, fiscales et relationnelles. Avec des clients comme le Forem et l’IFAPME, nous participons à l’élaboration de projets de réinsertion professionnelle. Nous bâtissons également d’importantes synergies avec le monde académique. L’humain restant notre
priorité, nous garantissons la paix sociale auprès des entreprises et avons pu contrer certains projets d’entreprise trop préjudiciables à l’emploi. Nous étendons nos services au particulier en apportant des réponses sur le numérique, la mobilité, les questions liées à la motivation du personnel et à l’équilibre vie professionnelle-vie privée, au bien-être jusqu’à la conscientisation des travailleurs sur les questions influant sur leur santé comme la nutrition et la pratique du sport.»

J.-S. Walhin : « À côté des milliers de contrôles ou analyses réalisés chaque jour pour garantir une assiette sûre, l’AFSCA
apporte aussi une autre aide efficace. Elle dispose d’une cellule d’accompagnement qui forme les petites entreprises et encadre certaines initiatives groupées. Elle aide les entreprises dans des secteurs aussi variés que l’élevage d’escargots, la viande maturée et les fromages au lait cru. Globalement, nous formons gratuitement quelque 10. 000 personnes par an. Les produits wallons d’hier, d’aujourd’hui et de demain valent la peine d’être connus à l’international. Il suffit d’aller aux États-Unis pour se rendre compte que la Belgique est d’abord et avant tout connue pour ses denrées alimentaires, telles que son chocolat et ses gaufres.»

La recherche dans ce secteur doit continuer à être soutenue financièrement par les pouvoirs publics

Quel est l’impact de la digitalisation pour nos entreprises? 

B. Hucq : « En Wallonie, le numérique se développe de plus en plus, tant du côté des usages du citoyen que des entreprises. Il constitue ainsi une opportunité pour plus de business, y compris au-delà des frontières via e-commerce. Nous devons néanmoins encore progresser en matière de compétences et de talents informatiques ou liés au numérique. La transformation
des métiers par le numérique nécessite une adaptation de la formation, tant au niveau de l’enseignement obligatoire que professionnel.»

D. Valentiny : « Au niveau du digital, une mécanique vertueuse est enclenchée. Toutefois, le digital ne signifie pas automatiquement «innovation», même si elle en constitue une partie importante. Il semble important de maintenir un travail sur la créativité et la capacité d’innovation au sens large. »

F. Collard : « Je regrette que le développement numérique concerne beaucoup plus les villes que le monde rural. On évoque
la 5G, alors que certaines communes restent confrontées à des zones blanches et grises. La connectivité est essentielle pour
accroître le développement et l’attractivité des territoires ruraux et attirer des investisseurs. C’est également dans les zones
rurales que le numérique a du sens, là où des produits de niche peuvent économiser des déplacements. Le numérique au service de la non-mobilité en quelque sorte.»

B. Hucq : « L’attractivité du territoire doit être en e§et renforcée en termes de connectivité – mobile ou non -, d’équipements et de fibre optique. La connectivité mobile a connu des progrès ces dernières années, mais beaucoup reste encore à faire au niveau de la connectivité fixe et de la fibre optique. »

A. Lefèbvre : « Même dans des secteurs aussi traditionnels que l’immobilier et la construction, la digitalisation et le numérique confèrent une grande valeur ajoutée. Par exemple, les outils de monitoring permettent de suivre les consommations énergétiques dans le temps et de réaliser de l’entretien préventif. Ils répondent de ce fait à
l’enjeu de la durabilité et permettront, peut-être demain, d’offrir une garantie quant à la performance énergétique des bâtiments.»

J. Dehalu : « Le secteur des routes participe aussi au défi du numérique. Nous mettons à disposition des entreprises le réseau de fibre optique que nous utilisons pour la gestion du trafic. Il dessert des parcs d’activité à proximité de routes, en particulier
ceux qui sont implantés dans les zones grises et blanches. Pour les routes elles-mêmes, nous anticipons aussi les défis de
demain, par exemple celui des voitures connectées qui arriveront sans doute plus vite que prévu. Ici, nous participons à des
opérations ou à des projets pilotes avec la Commission européenne.»

P. Mattart : « Dans les secteurs agricole et agroalimentaire, l’enjeu de la digitalisation et des nouvelles technologies est également fondamental. Les médias sociaux, notamment, permettent de lui donner une visibilité accrue et d’atteindre tous les publics cibles.»

B. Hucq : « Ces dernières années, l’action publique en matière de numérique a été conséquente. Ainsi, la stratégie Digital Wallonia offre une cohérence d’objectifs, que ce soit en matière économique, de talents, d’équipement territorial, de fibre optique, de smart cities, etc. Cette cohérence déploie son action sur tout le territoire, pas uniquement sur des silos. Toutefois, le numérique peine encore à s’imposer dans l’optimisation des processus internes des entreprises ainsi que dans l’e-commerce. Par ailleurs, la recherche dans le numérique devrait mieux percoler à travers les projets d’innovation des entreprises, dans et hors pôles et clusters, et à travers les structures d’incubation et d’accélération.»

Que peut-on encore améliorer pour favoriser l’entrepreneuriat?

T. Nollet : « Il faut continuer à oeuvrer pour hisser le statut des indépendants à la hauteur du statut des salariés. En outre, il faut continuer à investir dans les métiers de base et consolider le secteur public et le secteur des soins de santé qui ne sont pas loin de représenter 30 % des emplois wallons. Enfin, il est nécessaire de plus fédérer les acteurs socio-économiques entre eux.»

W. Borsus : « Que ce soit en termes socio-économiques, d’organisations ou d’investissements, la Wallonie doit croire dans ses
possibilités et ses atouts, et aussi oser les exprimer tant en interne qu’en externe. Elle doit croire en la possibilité de déployer son futur positivement.»

F. Collard : « Je rebondis sur ce déficit de communication. La Wallonie dispose d’infrastructures performantes. Il faut certes
les renforcer ; elles existent mais ne sont pas assez connues en Belgique et à l’international. C’est par exemple le cas de nos terminaux multimodaux ou du nouveau cadre éolien, bien plus clair que l’ancienne législation et qui encourage les développeurs à réinvestir dans ce secteur.»

A. Lefèbvre : «Sans être orgueilleux, on doit pouvoir être fier de ce que la Wallonie offre comme possibilités de développement économique. Pour le stimuler, il faut néanmoins simplifier et rationaliser les structures mais aussi accélérer les procédures. Dans l’immobilier par exemple, le traitement des permis et la gestion des recours devraient être beaucoup plus rapides. Cette perte de temps génère des surcoûts qui rendent les logements neufs encore moins accessibles et les risques de recours pourraient pousser les développeurs à faire du basique. »

J. Dehalu : « Le problème de la mobilité est extrêmement prégnant: tout quart d’heure passé dans des files est une perte pour nos entreprises. Des initiatives originales ont été mises en place en Wallonie, comme la multiplication des parkings de covoiturage et le développement à venir des mobilopôles qui doivent délester les centres-villes des nuisances de trafic.»

P. Mattart : «La question de la durabilité est bien entendu un enjeu primordial pour l’agriculture. Il s’agit ici d’un impératif à la
fois de fonds, moral et éthique. Mais c’en est également un en termes de marketing, dans la mesure où la durabilité et un mode de production « sustainable development friendly » constituent un avantage compétitif.»

C. Scholzen : « Un dernier point: ce n’est pas le manque d’accès au crédit ni les taux d’intérêt qui aujourd’hui bloqueraient la Wallonie. On n’a jamais contracté autant de crédits hypothécaires et de crédits aux entreprises que sur ces quatre dernières années. Les taux d’intérêt sont aujourd’hui tellement bas qu’ils ne constituent pas un réel frein.»

F. Collard : « À l’écoute des diérents intervenants, je constate qu’on fonctionne de plus en plus dans une Wallonie décloisonnée. Le monde agricole travaille aujourd’hui avec celui de la construction pour le développement d’isolants, le monde de la métallurgie classique travaille avec celui de la plasturgie, etc. Ces interactions permettent de développer des produits innovants… et aussi la Wallonie!»

S. Ponchaut : « Quand on écoute les intervenants autour de la table, ce qui frappe, c’est que nous sommes tous des acteurs de l’innovation et/ou de la croissance économique. Nous avons tous une grande responsabilité dans le développement de notre région. Le rôle du gouvernement dans le développement de la politique entrepreneuriale de la région est clé, notamment au travers du soutien public affirmé à la recherche et à l’innovation et dans le déploiement d’un cadre propice au développement des entreprises. Les entreprises et les universités ont, elles aussi, un rôle important dans le développement économique régional. Il est important de reconnaître la complémentarité des rôles et de travailler ensemble en bonne intelligence. Des débats comme celui-ci permettent de voir que nous sommes tous investis dans la même mission
– le développement économique régional – et que nous avons chacun une pierre à apporter à cet édifice. »